Une histoire où pour une fois ce n’est pas la montagne qui est à l’honneur, mais la grimpeuse…
Mais reprenons depuis le début, là où tout a commencé pour notre alpiniste en quête de pouvoir. Nous sommes à La Grave en une froide nuit de janvier. Le village étonnamment calme semble endormi, et bien que samedi soir, on ne croise personne dans les rues. Étrange, surtout quand on connaît la réputation de ce lieu de débauche où la consommation d’alcool est proportionnelle à la chute du thermomètre: rien ne se perd, tout se transforme, il en est de même pour les degrés…
Personne dans les bars, mais une légère clameur se fait entendre en contrebas, au lieu dit de la salle des fêtes. Accompagné de ma bien aimée, je décide de me rendre vers l’origine du bruit, et là, stupeur: quelques centaines de personnes passablement avinées se dandinent au son d’une musique satanique diffusées par des enceintes monstrueuses! Messes à la gloire du dieu Houblon, incantations pour faire tomber les flocons, beuverie ordinaire? Rien de tout cela pauvre idiot, mais la fameuse réunion de tout ce que la région compte de skieuses « bringueuses » et de guides célibataires ou volages, j’ai nommé les Reines de la Meije!
Ça danse sur les tables, ça boit des litres de bières tièdes, ça braille: bref une bonne soirée en perspective avec pour bouquet final la bataille sans merci pour le titre convoité de « Reine de la Meije »! Bataille qui aura pour thème cette année « l’élastique » : soit l’enchaînement de figures de plus en plus complexes en sautant par dessus le dit élastique, sous les regards quelques peu vicelards d’une centaine de montagnards en rut!
Les concurrentes se présentent sous les clameurs du public et là, attention le désastre… Car si ce jeu de cour de récré peut être attendrissant avec des bambins joufflus, il devient carrément obscènes quand les participantes (tout aussi joufflues mais pas pour les mêmes raisons) cumulent autant de grammes que de mètres le sommet de cette fameuse montagne!
Le spectacle que nous qualifierons de burlesque devient de plus en plus surréaliste, et c’est à ce moment précis que j’aperçois ma dulcinée qui se dirige vers l’arène! L’ambiance est à son apogée, tout le monde attend la nouvelle chute, mais ils vont être passablement déçus. Les origines mauriennaises de cette concurrente la préservent des effets de l’alcool comme Obélix et la potion magique, et après des enchaînements qui auraient fait mouiller son pantalon à Nelson Monfort, là voilà intronisée « Reine de la Meije » par K.O. ( le mot est faible).
Passons sur la célébration qui suivit, la décence nous l’impose… Mais voilà, le titre est beau, mais il ne vaut rien sans le trône.
Et nous voilà trois ans plus tard sur les lieux du crime. L’ambiance est nettement plus calme et l’élastique a laissé place à un bon gros sac des familles: direction La Meije, son grand Pic et ses arêtes!
Que dire de ses journées sinon que la Reine fut à la hauteur de son titre : 4 heures pour grimper le Grand Pic, une traversée crampons aux pieds et sourire vissé au visage, grands moments de partage et d’émotions pour la cordée qui prolonge sur le fil de la plus belle des montagnes les liens qui les rattachent.
Et cette histoire commencée dans les brumes de la fête éthylique s’achève dans la clarté d’un ciel sans nuage! Le titre est conservé de belle manière et l’aventure continue…
wahouuu! Comme c’est beau et rudement ben écrit! Bravo à la Reine et à son bien aimé!