Un voyage diffuse longtemps, les émotions plantent la graine du souvenir, l’objectivité s’éloigne et seul demeurent les sentiments. De retour de Jordanie, de ce désert démesuré ou l’on perd ses repères, je suis à face à ces instants de vie et je peine à démêler le vrai du faux, ce qui l’emporte sur le reste…

Et c’est peut être là toute la beauté de cet endroit magique: ce pouvoir de nous décentrer, de faire un pas de côté vers le nouveau et l’indicible. Partir si loin pour grimper sur des cailloux, au mépris d’une certaine éthique écolo… le sens d’un tel détour n’est pas clair, il se traque pour mieux se dérober.

Alors il faut chercher du côté de l’expérience: celle d’être seul avec sa douce au sommet d’une montagne de sable peut à elle seule valoir bien des écarts de conduite. Le frisson à la vue de ces parois improbables surgies du désert, les nuits sous les étoiles, le silence, la malice des bédouins… autant de raisons qui peut être justifient l’entorse.

Mais nous restons malgré tout des enfants gâtés qui ont l’étendue du monde pour jouer, et ici comme ailleurs il faut parfois regarder par delà ce qui nous interroge: les ravages du tourisme, l’authenticité d’un mode de vie fragile.

Le Wadi Rum n’est pas hors du monde et de nos travers, le sable que l’on voudrait vierge de toute trace est parfois jonché de plastique, les carcasses de voitures s’imposent à notre vue et notre naïveté occidentale en prend un coup!

Mais une simple heure dans le désert, et tout ce décorum disparait: ne subsiste que ce sentiment puissant de vivre un rêve éveillé, où le temps n’a plus sa mesure, ou les distances se plient au gré des lumières. On marche, on grimpe, la nuit nous surprend au retour du camp. La magie opère.

Au Wadi Rum la nuit tombe comme depuis toujours. Les avions survolent ce désert millénaire, l’ombre des parois s’étend sous la lune, et comme une évidence nous ferons le choix de croire encore à l’enchantement du monde…