Le vent souffle en rafale et le plateau d’habitude si accueillant nous repousse vers le vide. A peine le temps de se serrer la main qu’on fonce déjà tête baissée vers le couloir de sortie. Tout dans cet univers de tempête participe à rendre le lieu méconnaissable: la neige qui tourbillonne, le givre plaqué sur le rocher, les pierres qui ont disparues sous la glace.
Une désescalade de 20 m et le temps s’arrête. Dans le silence retrouvé on prend le temps de jouir du spectacle. Le sommet n’a plus de réalité, cette montagne nous a fait oser un pas de côté en dehors du réel: le Mt Aiguille est devenu un vaisseau de pierre qui vogue dans un monde hostile mais magique.
La sauvagerie de l’hiver a rendu le retour à l’aventure possible sur ce sommet si parcouru. Loin des foules estivantes la course facile s’est muée en redoutable test pour alpiniste en mal de lâcher prise: un Eiger miniature posé sur les Hauts plateaux du Vercors!
Les têtes enfouies sous les capuches se sont saoulées de rêves de gros grains sur les faces nord les plus mythiques, le tout à deux pas de Grenoble et de la civilisation. De retour dans la vallée, on se sépare sans grandes accolades mais le sourire en coin et le regard un peu plus lointain. Mes compagnons de fortune ont osé larguer les amarres et il semble avoir pris goût au grand air…
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